domingo, maio 29, 2005

Peut-on encore être "tocquevillien" ?

"S'il convient de rester "tocquevillien" , a par exemple suggéré Alain Finkielkraut, c'est au nom de l'effroi qu'inspiraient à Tocqueville les dérives d'une démocratie qui s'imposait comme le régime à venir pour le meilleur et pour le pire. "Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde" , avait ainsi écrit Tocqueville dans un texte célèbre. "Je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres." Au-dessus d'eux règne un pouvoir absolu qui ne cherche qu'à fixer les hommes "irrévocablement dans l'enfance" . La perspective d'une civilisation égalitariste dans laquelle l'esprit de grandeur civique et de solidarité cède la place aux loisirs abrutissants et ravageurs constituerait le principal motif de rester attaché à la pensée tocquevillienne."

« Peut-on encore être "tocquevillien" ? », Nicolas Weill, Le Monde